Ce vendredi 13 décembre, le club de lecture s’est réuni dans le cadre d’Europalia Roumanie. La soirée fut riche en découvertes: un pays qui a encore bien des secrets, une écriture poétique et des parcours parfois difficiles…


Un brillant avenir

Catherine Cusset

Elena, une jeune Roumaine née en Bessarabie et ballottée par l’Histoire, rencontre à un bal en 1958 un homme dont elle tombe passionnément amoureuse. Il est juif, et ses parents s’opposent au mariage. Elena finit par épouser Jacob et par réaliser son rêve : quitter la Roumanie communiste et antisémite de Ceausescu. Émigrer aux États-Unis. Elle devient américaine, et se fait appeler Helen. Elle a rompu avec le passé, mais l’avenir n’est plus un rêve. Helen est maintenant confrontée à une réalité qui lui échappe : la maladie et la dépression de son mari ; l’indépendance de ce fils à qui elle a tout sacrifié, et qui épouse une Française malgré l’opposition de ses parents. Cette jeune femme égoïste, arrogante, imbue d’un sentiment de supériorité presque national, Helen ne l’aime pas. Cette belle-mère dont le silence recèle une hostilité croissante, Marie en a peur. Pourtant, entre ces deux femmes que tout oppose – leur origine, leurs valeurs et leur attachement au même homme –, quelque chose grandit qui ressemble à de l’amour.

Note : 4 sur 5.

Lenu et Jacobs ont vécu dans la Roumanie de Ceausescu. D’Israël aux Etats-Unis, en passant par Rome. Ils ont connu l’exode. Alexandru, leur fils marié à une Française est l’Américain du rêve américain.

Un livre agréable.

Giovanni

La bascule du souffle

Herta Muller

Nous sommes en Roumanie, en janvier 1945 : la population germanophone de Transylvanie vit dans la peur de la déportation.
Cette mesure, exigée par le nouvel allié soviétique de Bucarest, vise une population soupçonnée d’avoir soutenu l’Allemagne nazie pendant la guerre. Le jeune Léopold sait qu’il est sur la liste. II prépare sa petite valise, des affaires chaudes, quelques livres, puis, quand la police roumaine vient le chercher, à trois heures du matin, par moins quinze, il reçoit les mots de sa grand-mère  » Je sais que tu reviendras  » comme un viatique.
L’usine de charbon, la tuilerie, la cimenterie, des baraquements élémentaires, une ration de pain et deux rations de soupe par jour, les diarrhées et les poux : tel sera le quotidien de Léopold pendant cinq ans.

Note : 2 sur 5.

Un récit poétique, très bien écrit, mais beaucoup trop abstrait pour moi! J’aurais aimé en savoir plus sur la façon dont ces hommes ont vécu dans le camp.

Isabelle

Roumanie

Pierre Soisson, Diane Chesnais, Florin Andreescu

La Roumanie séduit d’emblée par sa nature restée intacte. Rien d’étonnant à ce que ses habitants aient un sens ancestral du terroir. L’arc de cercle des Carpates, montagnes alpestres, enserre des plateaux verdoyants ; vers l’extérieur, les collines boisées se confondent en champs cultivés qui s’étendent jusqu’au Danube et à la mer Noire. Située au carrefour de l’Orient et de l’Occident, cette terre fertile a attisé dans le passé la convoitise des conquérants. C’est ainsi que l’ancienne Dacie fut colonisée il y a deux mille ans. Le peuple roumain issu de cette colonisation a forgé la seule civilisation latine de l’Europe orientale dans les trois régions historiques longtemps séparées, la Moldavie, la Valachie et la Transylvanie. Le voyageur venant de tous horizons découvre le pays avec émerveillement.

Note : 5 sur 5.

Livre magnifique sur la Roumanie. Superbes photos.

A découvrir

Annie

Les charbons du Baragan

Panaït Istrati

Roman d’apprentissage mais aussi roman picaresque d’une étonnante puissance, les Chardons du Baragan nous fait découvrir, à travers les yeux d’un enfant que la misère a voué à une vie vagabonde, la condition du petit peuple des campagnes de Roumanie à la veille de la sanglante révolte de 1907. Alliant lyrisme et réalisme, Panaït Istrati décrit magistralement un monde hanté par les traditions et les légendes, qu’un surcroît d’oppression fait basculer de la résignation dans la colère.

Note : 4 sur 5.

Panaït Istrati évoque avec lyrisme et réalisme la révolte paysanne roumaine de 1907, vue à travers les yeux d’un enfant de 9 ans.

Catherine

L’heure exacte

Norman MANEA

L’Heure exacte esquisse l’impossible retour à la vie après l’expérience de la déportation. Jamais Norman Manea n’oubliera son enfance passée dans les camps de Transnistrie, son « Initiation » à l’horreur, à la peur, à la mort, à l’innommable enfin. L’écriture est pourtant un exutoire par où s’épanche cette blessure qui ne cicatrise pas, un palliatif au bonheur obligatoire sous le régime du clown des Carpates, puis à la douleur du déracinement, de l’exil. Une écriture dense et pudique, qui fait la part belle à l’image et à la métaphore, touchant à l’onirisme et à l’hallucination : comme si le petit déporté était désormais incapable d’appartenir au réel et de réintégrer la vie.

Note : 3 sur 5.

Bien écrit. Pas d’action. Sombre.

Anne

Pas question de Dracula…

Lucian Dan Teodorovici, Dan Lungu, Florin Lazarescu

Onze histoires sidérantes. De naturel. De talent. De toupet. Et de poésie du quotidien. Ces trois écrivains roumains (Lucian Dan Teodorovici, Dan Lungu, Florin Lazarescu), par on ne sait quel miracle d’économie de moyens, parviennent à donner des situations et des personnages — même et surtout lorsqu’ils sont d’une grande simplicité, voire emprunts de trivialité — une impression d’évidence. S’en dégage un objet poétique, une sphère à contempler dans sa perfection formelle. La tension interne qui régit chacun de ces textes contribue à en renforcer le caractère parfaitement rond. De la poésie sans falbalas. Des histoires bien racontées. Ce talent de conteur, ils le possèdent en commun : tous trois ont quelque part dans leur enfance un aïeul qui les tenait en haleine des heures entières…

Note : 2 sur 5.

Une autre façon de voir la Roumanie.

Isabel

La nuit bengali

Mircea Eliade

Allan, jeune ingénieur européen, travaille aux Indes. Son chef, un Bengali, l’admet dans sa famille et veut l’adopter. Mais un violent amour naît entre Allan et la fille de la maison, Maitreyi. Amour contrarié par la religion, les mœurs, le mystère de l’âme de la jeune fille. Mais amour que le temps ne pourra effacer, et qui se prolongera dans la jalousie et le regret.
Une figure féminine inoubliable et un roman qui agit comme un sortilège.

Note : 5 sur 5.

Un roman mystique, mystérieux et exotique. A lire absolument!

Gabriela

Apprivoiser le silence

Laetitia Ilea

« J’écris des vers comme des timbres qui ne collent pas sur des lettres sans destinataire ». Il y a dans cette phrase, tout le désarroi du poète sur son utilité immédiate, mais aussi sa dramatique assurance de savoir demain des collectionneurs qu’il saura intéresser. C’est l’admirable métaphore de la lutte, de l’érection d’une forteresse qui a son propre visage, tournée vers l’inconnu, les pièges les plus sordides se trouvant cependant dans ce que l’on connaît de son propre territoire : « Ma chambre sentait bon, la ciguë pouvait fleurir. » (Extrait de la préface de Gérard Blua).

Note : 4 sur 5.

Très beaux textes… Mais que de souffrance, de tristesse! Quelle solitude!

Michelle

Deadline

Adina Rossetti

« La présentatrice, vêtue d’une veste mauve, d’apparence stricte, conformément au règlement, mais pas au point de cacher le début de ses seins, annonça que Miruna Tomescu, vingt-neuf ans, domiciliée à Bucarest, avait été retrouvée morte dans son appartement samedi, avec deux dossiers dans les bras et son ordinateur allumé devant elle. Il semble qu’elle avait travaillé des semaines entières sur un projet important, ce qui l’avait exténuée.
Voilà comment tout commença un lundi comme un autre, à 11 heures 11 minutes exactement… »


Ce cas typique de « burn out » aurait pu passer inaperçu mais quelqu’un lance l’information sur le net et aussitôt la toile s’embrase. Des blogueurs échangent des commentaires enflammés, des mouvements de protestation s’organisent, des manifestations de rue aussi. Quelle est donc cette société qui broie ainsi au travail ses plus jeunes et plus brillants éléments ? Quel est le sens d’une telle vie ?
Pour mieux comprendre l’histoire de Miruna, un des blogueurs décide d’aller filmer les lieux où elle a vécu. Et là, dans la cour de l’immeuble, il va rencontrer un clochard, Zaim, l’antithèse même de la réussite, quelqu’un qui a tout perdu, renoncé à tout, broyé par la terrible époque Ceausescu. Pourtant, c’est entre ses mains que le jeune cinéaste amateur va découvrir un trésor qui à son tour va enflammer le net…

Note : 4 sur 5.

Ce qui s’est passé ici, pourrait s’être passé là-bas. Ce qyu s’est passé là-bas pourrait s’être passé ici.

Evelyne

L’enveloppe noire

Norman Manea

Un superbe printemps à Bucarest, dans les années 80 : le fracas des démolitions et les chantiers du bonheur calibré; les queues interminables pour la survie quotidienne; le règne de la suspicion et de la terreur, de la soumission et de l’humiliation. Nous sommes sous la dictature du Grand Bredouilleur.
Tolia, intellectuel excentrique et provocateur, enquête sur la mort de son père, qui s’est suicidé ou a été assassiné quarante ans plus tôt après avoir reçu une enveloppe noire portant l’emblème de la Garde de fer. Sur les traces d’un mystérieux photographe, il découvre l’existence d’une inquiétante organisation dont les membres sourds-muets sont des modèles d’obéissance. Tolia côtoie aussi Marga, médecin des fous : mieux vaut en rire, en effet, et vivre dans le rêve ou la folie qu’accepter de rentrer dans le rang, parmi les figurants de cette grande farce de l’Histoire. Mais qui est le fou, qui est le clown ? Où commence la réalité ?
Un roman intense, halluciné, à l’humour noir, qui remue aussi le passé amoureux et brouille les cartes, dans un monde totalitaire et schizophrène.

Note : 2 sur 5.

Un récit confus où l’auteur nous saoule de digressions et se laisse griser par le vocabulaire.

Christiane

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