Ce vendredi 7 novembre avait lieu un club de lecture dont le thĂšme – l’enfance dans les romans – avait Ă©tĂ© proposĂ© par Catherine. Voici la liste des livres qui ont Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©s ainsi que les avis des personnes les ayant lus.
La petite fille
Bernhard Schlink

« Il aurait bien aimĂ© avoir des enfants, il n’en avait eu aucun – maintenant il avait donc une petite-fille. Et puisque Ă prĂ©sent il l’avait, il devait aussi se soucier de son Ăąme. » Ă la mort de son Ă©pouse Birgit, Kaspar dĂ©couvre un pan de sa vie en RDA qu’il avait toujours ignorĂ©, et l’existence de sa fille. IntriguĂ©, Kaspar part Ă la recherche de cette belle-fille inconnue et remonte jusqu’Ă Svenja qui, restĂ©e en Allemagne de l’Est, a Ă©pousĂ© un nĂ©onazi et Ă©lĂšve dans cette doctrine une fille nommĂ©e Sigrun. Kaspar serait prĂȘt Ă voir en elles les membres d’une nouvelle famille. Mais leurs diffĂ©rences idĂ©ologiques font obstacle : comment une adolescente aussi intelligente que Sigrun peut-elle soutenir des thĂ©ories complotistes et racistes ? Comment l’amour pourrait-il naĂźtre dans ce climat de mĂ©fiance et de haine ?
L’auteur nous emmĂšne au coeur de la rĂ©unification allemande Ă travers un voyage qui mĂȘle une analyse politique des idĂ©ologies qui dĂ©rangent et la quĂȘte d’un veuf Ă©plorĂ© qui se dĂ©couvre grand-pĂšre par alliance et tente de retrouver sa chĂšre disparue Ă travers une petite-fille Ă©levĂ©e par des nĂ©o-nazis. Subtil et dĂ©rangeant !
Catherine
Les petites reines
Clémentine Beauvais

On les a Ă©lues « Boudins de l’annĂ©e » sur Facebook.
Mais Mireille Laplanche et ses « boudinettes », Hakima et Astrid, n’ont pas l’intention de se lamenter sur leur sort ! Elles ont des mollets, des vĂ©los, et elles comptent bien rallier Bourg-en-Bresse Ă Paris⊠pour s’incruster Ă l’ElysĂ©e ! Place aux Petites Reines !!!
Livre agrĂ©able Ă lire, plutĂŽt jeunesse, mais qui aborde malgrĂ© tout des sujets de sociĂ©tĂ© importants : grossophobie, harcĂšlement, image de soi. Ces thĂšmes sont traitĂ©s avec lĂ©gĂšretĂ© et beaucoup dâhumour sans ton larmoyant ou moralisateur. Nos hĂ©roĂŻnes ne se laissent pas faire : elles expĂ©rimentent ce que signifie sâaffirmer, se rĂ©voltent contre lâimage quâon leur impose et trouvent en lâamitiĂ© une vĂ©ritable force.
Julia
Le liseur
Bernhard Schlink

Ă quinze ans, MichaĂ«l fait par hasard la connaissance, en rentrant du lycĂ©e, d’une femme de trente-cinq ans dont il devient l’amant. Pendant six mois, il la rejoint chez elle tous les jours, et l’un de leurs rites consiste Ă ce qu’il fasse la lecture Ă haute voix. Cette Hanna reste mystĂ©rieuse et imprĂ©visible, elle disparaĂźt du jour au lendemain. Sept ans plus tard ; MichaĂ«l assiste, dans le cadre de ses Ă©tudes de droit, au procĂšs de cinq criminelles et reconnaĂźt Hanna parmi elles. AccablĂ©e par ses coaccusĂ©es, elle se dĂ©fend mal et est condamnĂ©e Ă la dĂ©tention Ă perpĂ©tuitĂ©. Mais, sans lui parler, MichaĂ«l comprend soudain l’insoupçonnable secret qui, sans innocenter cette femme, Ă©claire sa destinĂ©e, et aussi cet Ă©trange premier amour dont il ne se remettra jamais.
Il la revoit une fois, bien des annĂ©es plus tard. Il se met alors, pour comprendre, Ă Ă©crire leur histoire, et son histoire Ă lui, dont il dit « Comment pourrait-ce ĂȘtre un rĂ©confort, que mon amour pour Hanna soit en quelque sorte le destin de ma gĂ©nĂ©ration (âŠ) que j’aurais moins bien su camoufler que les autres ? »
Quelques mots sur la construction du roman : le narrateur est MichaĂ«l, câest Ă travers lui que nous vivons la relation avec Hanna, le dĂ©roulement du procĂšs et ses suites. Le roman est construit en trois parties, qui couvrent trois pĂ©riodes distinctes et dont chacune est dĂ©coupĂ©e en de nombreux courts chapitres. Ces chapitres suivent le dĂ©veloppement de lâaction, mais certains dĂ©crochent du rĂ©cit pour nous projeter dans le prĂ©sent du personnage principal, qui sâinterroge sur son comportement ou celui dâautres personnages dans les Ă©vĂ©nements quâil Ă©voque. Par exemple, le chapitre 9 de la 1Ăšre partie commence ainsi : « Pourquoi suis-je si triste quand je repense Ă ce temps-lĂ ? », question quâil dĂ©veloppe sur quelques pages avant de revenir au rĂ©cit. Une autre fois, il anticipe ce quâil appelle « la descente en vol planĂ© de notre amour. »
Tout au long du rĂ©cit, le narrateur essaie de comprendre le comportement dâHanna et le sien, parfois celui dâautres personnages. Il nous entraĂźne dans cette recherche de cette comprĂ©hension. Les rebondissements, pas nĂ©cessairement spectaculaires, sont toujours au service du rĂ©cit et de la comprĂ©hension des personnages.
Le liseur est un roman troublant Ă plus dâun titre. Il y a dâabord la relation amoureuse entre un adolescent et une adulte, dans laquelle un ressort important est la dĂ©pendance de MichaĂ«l. CĂŽtĂ© Ă©trange de cette relation : Hanna demande quâĂ chaque rencontre, MichaĂ«l lui fasse la lecture, sans explication. Dâailleurs, Hanna parle trĂšs peu dâelle-mĂȘme. Son principal secret ne se rĂ©vĂšle que dans la deuxiĂšme moitiĂ© du roman.
Le plus grand trouble est la rĂ©vĂ©lation du rĂŽle dâHanna comme surveillante SS dans les camps de concentration. Elle interpelle profondĂ©ment MichaĂ«l et Ă travers lui, les lectrices et lecteurs. Tout en nous faisant suivre le procĂšs, lâauteur sâinterroge, et interroge, sur la façon dont la sociĂ©tĂ© allemande a traitĂ© son passĂ© nazi. JusquâĂ quel point toutes celles et tous ceux vivaient Ă lâĂ©poque sont-ils â ou pas â complices de lâextermination des Juifs ? Il aborde ces questions de responsabilitĂ©, de culpabilitĂ© collectives de maniĂšre concrĂšte, en particulier Ă travers les interrogatoires dâHanna sur ses actes. Et on peut se demander si ces questions de culpabilitĂ© et de responsabilitĂ© ne nous concernent pas toutes et tous, aujourdâhui, mĂȘme si les situations ne sont pas comparables.
Une grande force du roman est dâentremĂȘler habilement une vraie histoire dâamour avec ses incertitudes, un questionnement sur le vĂ©cu de la honte, de la culpabilitĂ© et de la responsabilitĂ© et une Ă©vocation de lâhistoire de la sociĂ©tĂ© allemande aprĂšs la pĂ©riode nazie.
Stéphan
Enfant de salaud
Sorj Chalandon

Depuis lâenfance, une question torture le narrateur :
Quâas-tu fait sous lâoccupation ?
Mais il nâa jamais osĂ© la poser Ă son pĂšre.
Parce quâil est imprĂ©visible, ce pĂšre. Violent, fantasque. Certains mĂȘme, le disent fou. Longtemps, il a bercĂ© son fils de ses exploits de RĂ©sistant, jusquâau jour oĂč le grand-pĂšre de lâenfant sâest emportĂ© : «Ton pĂšre portait lâuniforme allemand. Tu es un enfant de salaud ! »
En mai 1987, alors que sâouvre Ă Lyon le procĂšs du criminel nazi Klaus Barbie, le fils apprend que le dossier judiciaire de son pĂšre sommeille aux archives dĂ©partementales du Nord. Trois ans de la vie dâun « collabo », racontĂ©e par les procĂšs-verbaux de police, les interrogatoires de justice, son procĂšs et sa condamnation.
Le narrateur croyait tomber sur la piteuse histoire dâun « Lacombe Lucien » mais il se retrouve face Ă lâĂ©popĂ©e dâun Zelig. Lâaventure rocambolesque dâun gamin de 18 ans, sans instruction ni conviction, menteur, faussaire et manipulateur, qui a traversĂ© la guerre comme on joue au petit soldat. Un sale gosse, inconscient du danger, qui a portĂ© cinq uniformes en quatre ans. Quatre fois dĂ©serteur de quatre armĂ©es diffĂ©rentes. TraĂźtre un jour, portant le brassard Ă croix gammĂ©e, puis patriote le lendemain, arborant fiĂšrement la croix de Lorraine.
En décembre 1944, recherché par tous les camps, il a continué de berner la terre entiÚre.
Mais aussi son propre fils, devenu journaliste.
Lorsque Klaus Barbie entre dans le box, ce fils est assis dans les rangs de la presse et son pĂšre, attentif au milieu du public.
Ce nâest pas un procĂšs qui vient de sâouvrir, mais deux. Barbie va devoir rĂ©pondre de ses crimes. Le pĂšre va devoir sâexpliquer sur ses mensonges.
Ce roman raconte ces guerres en parallĂšle.
Lâune rapportĂ©e par le journaliste, lâautre dĂ©busquĂ©e par lâenfant de salaud.
Une description trĂšs juste des liens amour – haine d’un fils avec son pĂšre. Celui-ci ayant toujours refusĂ© la seule chose que son fils souhaitait : la vĂ©ritĂ©.
Christiane
FrĂšre d’Ăąme
David Diop

Un matin de la Grande Guerre, le capitaine Armand siffle l’attaque contre l’ennemi allemand. Les soldats s’Ă©lancent. Dans leurs rangs, Alfa Ndiaye et Mademba Diop, deux tirailleurs sĂ©nĂ©galais parmi tous ceux qui se battent alors sous le drapeau français. Quelques mĂštres aprĂšs avoir jailli de la tranchĂ©e, Mademba tombe, blessĂ© Ă mort, sous les yeux d’Alfa, son ami d’enfance, son plus que frĂšre. Alfa se retrouve seul dans la folie du grand massacre, sa raison s’enfuit.
Lui, le paysan d’Afrique, va distribuer la mort sur cette terre sans nom. DĂ©tachĂ© de tout, y compris de lui-mĂȘme, il rĂ©pand sa propre violence, sĂšme l’effroi. Au point d’effrayer ses camarades. Son Ă©vacuation Ă l’ArriĂšre est le prĂ©lude Ă une remĂ©moration de son passĂ© en Afrique, tout un monde Ă la fois perdu et ressuscitĂ© dont la convocation fait figure d’ultime et splendide rĂ©sistance Ă la premiĂšre boucherie de l’Ăšre moderne.
Ćuvre rĂ©aliste et poignante qui nous montre les horreurs de la combinaison de deux flĂ©aux : le colonialisme et la guerre.
Evelyne
La maison de fer
John Hart

Au foyer pour garçons dâIron Mountain, il nây avait que du temps. Du temps Ă tuer, le temps pour deux jeunes orphelins dâapprendre que la vie ne se gagne pas sans combat. Julian ne survit que grĂące au courage de Michael, son grand frĂšre, farouchement protecteur. Lorsquâil sâenfuit de lâorphelinat, Michael gravit les Ă©chelons dans la grande famille du crime organisĂ© de New York. Deux dĂ©cennies plus tard, il est dĂ©sormais un prince de la rue tellement redoutĂ© quâil nâa mĂȘme plus Ă tuer pour se faire respecter. Mais la vie quâil sâest construite Ă force de lutter se dĂ©lite lorsquâil rencontre la belle et innocente Elena, qui lâinitie au pouvoir de lâamour. Avec elle, il veut repartir de zĂ©ro, il tient enfin la chance de fonder une famille telle que Julian et lui nâen ont jamais eue. Mais ce nâest pas lui tire les ficelles.
Si Michael a obtenu la bĂ©nĂ©diction de son chef pour changer de vie, celui-ci est mourant, et son fils a lâintention de faire payer Ă Michael ce quâil considĂšre comme une trahison. Pour mieux protĂ©ger la femme quâil aime et qui ne sait rien de son passĂ© criminel, Michael tente dâĂ©loigner Elena du danger quâil a amenĂ© jusque devant sa porte. Ils se rĂ©fugient en Caroline du Nord, oĂč vit Ă prĂ©sent son frĂšre perdu il y a si longtemps. LĂ , une tourmente de mystĂšres et de violences emportera inexorablement Michael vers le lieu quâil a fui toute sa vie durant : la Maison de fer.
Deux frĂšres arrachĂ©s lâun Ă lâautre portent encore la marque sanglante de leur enfance Ă lâorphelinat. Lâun est devenu un homme de lâombre, craint par tous ; lâautre, protĂ©gĂ© par une famille aimante qui le surprotĂšge. Mais lorsque les fantĂŽmes du crime se rĂ©veillent, leur destin les rattrape et les force Ă affronter ce quâils ont fui. Entre loyautĂ©, rĂ©demption et violence, une vĂ©ritĂ© longtemps enfouie peut sauver⊠ou dĂ©truire.
Giovanni
Le prochain club aura lieu le 5 décembre.