Ce vendredi 10 janvier avait lieu le club de lecture Ă la bibliothĂšque de Tubize.
Le sens de nos pas
Claire Norton
Auguste a « son » banc, dans un joli parc du Vésinet.
Celui oĂč, tant de fois, il est venu sâasseoir avec Jeanne, son grand amour. Depuis la mort de cette derniĂšre, il continue dây venir chaque jour se souvenir des belles choses⊠Cet aprĂšs-midi-lĂ , câest accablĂ© quâAuguste sâassied : il vient dâapprendre coup sur coup que sa belle-fille et son fils sâapprĂȘtent Ă le placer en maison de retraite, et quâil est atteint dâun mal incurable qui ne lui laisse que quelques mois Ă vivre.
ĂchouĂ©e Ă lâautre bout du banc, PhilomĂšne, quinze ans, est tout aussi dĂ©semparĂ©e. Fille unique, elle vient de perdre sa mĂšre dans un accident de voiture et a rompu toute communication avec son pĂšre, quâelle accuse de lui cacher la vĂ©ritable cause de cet accident : un suicide.
Leur seule issue, cet aprĂšs-midi-lĂ : sâenfuir. Auguste parce quâil refuse de passer le peu de temps quâil lui reste enfermĂ© et passif. PhilomĂšne parce quâelle ne pourra pas faire son deuil tant quâelle nâaura pas rĂ©solu le mystĂšre de la mort de sa mĂšre.
Ăgalement dĂ©semparĂ©, Auguste nâa aucune envie de sâencombrer de cette gamine. Pourtant, et contre toute attente, la quĂȘte que vont entreprendre ensemble le vieil homme et la jeune fille se rĂ©vĂ©lera le plus prĂ©cieux cadeau que la vie pouvait leur rĂ©serverâŠ
Belle leçon dâamitiĂ© dans ce roman feel good qui traite en finesse et en psychologie de thĂšmes dĂ©licats tels que la solitude de la vieillesse, la fin de vie inĂ©luctable, du deuil, de lâadolescence mais aussi du pardon et de la reconstruction. Tout ce qui donne un sens Ă nos pas.
Catherine
Nature morte
Louise Penny
Le matin de Thanksgiving, on dĂ©couvre dans le paisible petit village quĂ©becois de Three Pines le cadavre d’une vieille dame aimĂ©e de tous. L’inspecteur Armand Gamache, de la SĂ»retĂ© du QuĂ©bec, est chargĂ© de l’enquĂȘte. Ce meurtre est dĂ©routant. Qui voudrait voir morte une vieille dame aussi gentille? Le mystĂšre s’Ă©paissit Ă mesure que l’on met au jour des oeuvres d’art que la victime a longtemps gardĂ©es secrĂštes. Rustiques, primitives et troublantes, ces peintures touchent diffĂ©remment tous ceux qui les voientâŠ
J’ai beaucoup apprĂ©ciĂ© certains personnages, comme Gabri et Olivier, les tenanciers du restaurant, Clara, l’artiste, l’inspecteur Armand Gamache.
La convivialitĂ© et l’ambiance du village m’ont plu.
J’ai aussi aimĂ© le lieu de l’action, ce village dans la nature du QuĂ©bec, entourĂ© de pins.
Et, dernier mais pas le moindre, tout le suspense qui entoure ce livre : de nombreux personnages sont passés au crible, chacun de ces personnages aurait eu une bonne raison de commettre le meurtre.
Evelyne
La maison de l’orchidĂ©e
Lucinda Riley
Dans son enfance, Julia Forrester a passĂ© des moments idylliques dans la serre de Wharton Park. Un immense et magnifique domaine oĂč son grand-pĂšre Ă©tait chargĂ© de prendre soin des orchidĂ©es. Des annĂ©es plus tard, Julia est devenue une pianiste de renommĂ©e mondiale. Alors qu’elle fait face Ă une tragĂ©die personnelle, la jeune femme revient sur les traces de son enfance et renoue avec Christopher, l’hĂ©ritier de Wharton Park. Un journal intime, Ă©crit dans les annĂ©es 1940 par le grand-pĂšre de Julia, est dĂ©couvert lors de travaux de rĂ©novation. Quels mystĂšres renferment ces pages ? Dans les mĂ©andres de l’histoire de deux familles ravagĂ©es par la guerre, Julia va dĂ©couvrir de sombres secrets qui vont bouleverser sa vie. Les secrets de familles resurgissent toujours?
Wharton Park, fiĂšre et noble demeure anglaise qui unit les ĂȘtres Ă travers le temps. Cette maison est le cĆur du roman, presque un personnage Ă part entiĂšre. Lucinda Riley nous offre ici une saga familiale avec des allers-retours prĂ©sent / passĂ© et de nombreux rebondissements. Plume fluide et agrĂ©able, on est happĂ© par lâhistoire qui suscite pas mal dâĂ©motions. De nombreux thĂšmes sont abordĂ©s : devoir, deuil, reconstruction, sens de la famille, amour, trahison…
Jâai aimĂ© suivre ces personnages, voyager Ă travers les pays, dĂ©couvrir un contexte 39-45 sous un nouveau jour et partager les Ă©tats dâĂąmes de chacun. Un petit bĂ©mol : lâhistoire est trĂšs riche et certains rebondissements sont pour moi superflus et viennent juste rajouter des pages au livre.
Une saga familiale entre passĂ© et prĂ©sent, des destins croisĂ©s, des rebondissements, pas le temps de sâennuyer avec Lucinda Riley
Julia
Je serai le feu
Diglee
Cette anthologie rĂ©unit 50 poĂ©tesses des 19e, 20e et 21e siĂšcle. Certaines dâentre elles sont trĂšs connues, dâautres sont tombĂ©es dans lâoubli.
Toutes ont en commun dâavoir marquĂ© leur Ă©poque, et dâavoir Ă©crit de sublimes poĂšmes. Pour chacune dâentre elles, Diglee a rĂ©alisĂ© un portrait ou une illustration originale, rĂ©digĂ© une biographie, et sĂ©lectionnĂ© ses poĂšmes prĂ©fĂ©rĂ©s.
« Je serai le feu » est une anthologie de poĂ©sie de femmes. Son titre est le dernier vers dâun court poĂšme de Claude de Burine, poĂ©tesse française dĂ©cĂ©dĂ©e il y a bientĂŽt 20 ans. Elle est une des cinquante que Diglee a retenues pour son anthologie. Elle sâest lancĂ©e dans cette aventure aprĂšs sâĂȘtre rendu compte que parmi les nombreux poĂštes quâelle aimait lire, il nây avait aucune femme.
Le rĂ©sultat est trĂšs riche : pour chaque poĂ©tesse, Diglee propose une biographie, un choix de poĂšmes et aussi un portrait, puisquâelle est illustratrice. Chaque portrait met en scĂšne la poĂ©tesse dans une attitude et un contexte qui se veut en rapport avec son approche de la poĂ©sie, quâelle soit proche de la nature, amoureuse, rĂȘveuse, Ă©rotique, Ă©sotĂ©rique, sombre ou tragique.
Diglee a regroupĂ© les cinquante poĂ©tesses en huit catĂ©gories aux intitulĂ©s souvent poĂ©tiques : les filles de la lune, les prĂ©datrices, les mĂ©lancoliques, les magiciennes, les excentriques, les insoumises, les alchimistes du verbe et les consumĂ©es. Elle avoue Ă plusieurs reprises quâelle a hĂ©sitĂ© dans son classement et Ă la lecture des poĂšmes, on peut effectivement sâinterroger sur certains choix.
Cela dit, câest une trĂšs belle anthologie qui propose des Ă©crivaines du 19e, du 20e et du 21e siĂšcle, essentiellement françaises et anglo-saxonnes. Certaines sont connues, leur nom du moins, par exemple AnaĂŻs Nin, AndrĂ©e Chedid, Anna de Noailles, Emily Dickinson, Patti Smith. Mais Ă moins dâĂȘtre spĂ©cialiste de poĂ©sie, câest une dĂ©couverte totale, trĂšs riche et dâune grande variĂ©tĂ©. VariĂ©tĂ© dans les thĂ©matiques, dans les atmosphĂšres, dans le style, tantĂŽt classique avec des vers rĂ©guliers et des rimes, tantĂŽt tout Ă fait libres.
On sent que lâautrice a voulu souligner la modernitĂ© des certaines poĂ©tesses du 19e siĂšcle et du dĂ©but du 20e dont les poĂšmes parlent du corps fĂ©minin, de lâĂ©rotisme, des relations entre femmes. Elle a Ă©tĂ© attentive Ă retenir dans ses choix des poĂ©tesses trĂšs engagĂ©es, en particulier des afro-amĂ©ricaines fĂ©ministes et/ou militantes anti-racistes. Mais surtout, en parlant de ce qui lâa attirĂ©e et mĂȘme fascinĂ©e dans chaque poĂ©tesse prĂ©sentĂ©e, Diglee nous prend par la main pour entrer dans la poĂ©sie singuliĂšre de chacune,
Certains poĂšmes paraĂźtront dâun abord facile, dâautres hermĂ©tiques. Ma suggestion dans ce cas serait de ne pas forcer mais dây revenir plus tard, de sâabandonner, de se laisser emporter par lâĂ©criture plutĂŽt que de chercher Ă tout prix Ă comprendre. Ăa ne marche pas toujours, mais cela peut ĂȘtre une belle expĂ©rience.
Ce quâon peut reprocher Ă lâautrice, câest de finalement donner trop peu de place aux poĂšmes. Pour une sĂ©rie de poĂ©tesses, aprĂšs une biographie dĂ©taillĂ©e ou abondamment commentĂ©e, on ne trouve que quelques courts textes. Câest frustrant. Autre regret : lâabsence dâautrices issues dâAfrique et dâAsie.
Un grand voyage poétique au féminin, éblouissant et envoûtant.
Stéphan
Jusque dans nos bras
Alice Zeniter
Je suis de la gĂ©nĂ©ration qui a fĂȘtĂ© ses dix ans avec le gĂ©nocide rwandais, je suis de la gĂ©nĂ©ration qui a perdu Bertrand Cantat et dĂ©couvert la Lituanie par la mĂȘme occasion, je suis de la gĂ©nĂ©ration qui nâaura plus de pĂ©trole alors quâelle commence Ă peine Ă sâamuser avec les low-cost, je suis de la gĂ©nĂ©ration qui ne peut pas accueillir toute la misĂšre du monde. »
Aujourdâhui Alice se marie avec Mad. Mad est malien. Ils sont les meilleurs amis du monde depuis leur enfance, ils ont partagĂ© le mĂȘme bac Ă sable, le mĂȘme collĂšge et le mĂȘme lycĂ©e, ils se sont enthousiasmĂ©s, engagĂ©s et rĂ©voltĂ©s, ils ont grandi ensemble, envers et contre tous. Aujourdâhui Alice se marie avec Mad. Mais leur mariage est un mariage blanc. Parce que câest la seule chose quâAlice peut faire pour sauver son ami, parce que ce sera la pierre de touche de son engagement, le point final de son adolescence.
Magnifique roman Ă©crit dans un langage jeune, Ă©nergique et direct. Alice Zeniter, nous y livre son histoire, celle de son adolescence et d’une amitiĂ© indissoluble qui la mĂšnera au plus beau des sacrifices. Le roman nous parle aussi de la France du dĂ©but des annĂ©es 2000 et des changements politiques et sociĂ©taux qui s’y jouent.
Isabelle
L’hiver du commissaire Ricciardi
Maurizio de Giovanni
Nous sommes Ă Naples en 1931. En cette fin du mois de mars, un vent glacial souffle sur la ville et une nouvelle choquante frappe les esprits : le grand tĂ©nor Arnaldo Vezzi, voix sublime, artiste de renommĂ©e mondiale, et ami du Duce a Ă©tĂ© retrouvĂ© sans vie dans sa loge du ThĂ©Ăątre royal San Carlo, juste avant le dĂ©but dâune reprĂ©sentation du Paillasse de Leoncavallo. Sa gorge a Ă©tĂ© tranchĂ©e avec un fragment acĂ©rĂ© de son miroir qui a volĂ© en Ă©clats.
Un crime aussi spectaculaire et aussi sensible sur le plan politique doit ĂȘtre Ă©lucidĂ© au plus vite ; lâaffaire est donc confiĂ©e Ă un enquĂȘteur hors du commun : le commissaire Luigi Alfredo Ricciardi, de la brigade mobile de la police royale. Mal acceptĂ© par ses supĂ©rieurs Ă cause de sa dĂ©sinvolture face Ă la hiĂ©rarchie et fui par ses subordonnĂ©s qui nâapprĂ©cient pas son caractĂšre introverti, Ricciardi est un homme tourmentĂ© ; traumatisĂ© dans lâenfance, il est depuis lors hantĂ© par les morts quâil « voit » passer de vie Ă trĂ©pas tout en Ă©prouvant leur souffrance, en une forme extrĂȘme dâempathie. HarcelĂ© par le divisionnaire qui exige des rĂ©sultats, Ricciardi devra se fier Ă son sens de la justice pour dĂ©couvrir lâidentitĂ© du meurtrier.
Ce roman nous transporte dans une Naples sombre et venteuse, en pleine Ă©poque fasciste. L’intrigue est portĂ©e par le commissaire Ricciardi, un enquĂȘteur singulier et torturĂ©, qui porte sur ses Ă©paules non seulement le poids de son don â ou malĂ©diction : il peut voir et entendre les derniers instants des morts. Ce don le condamne Ă une solitude presque totale, persuadĂ© qu’il est incompris et indigne d’amour.
MalgrĂ© cela, j’ai Ă©tĂ© happĂ©e par cette enquĂȘte originale. L’une des grandes forces de ce livre rĂ©side dans son style d’Ă©criture, Ă la fois poĂ©tique et immersif. L’auteur nous plonge avec brio dans l’univers fascinant du monde lyrique, au cĆur mĂȘme de l’intrigue.
Noémie
Les enfants sont rois
Delphine de Vigan
« La premiĂšre fois que MĂ©lanie Claux et Clara Roussel se rencontrĂšrent, MĂ©lanie s’Ă©tonna de l’autoritĂ© qui Ă©manait d’une femme aussi petite et Clara remarqua les ongles de MĂ©lanie, leur vernis rose Ă paillettes qui luisait dans l’obscuritĂ©. « On dirait une enfant » pensa la premiĂšre, « elle ressemble Ă une poupĂ©e » songea la seconde.
MĂȘme dans les drames les plus terribles, les apparences ont leur mot Ă dire. »
A travers l’histoire de deux femmes aux destins contraires, Les enfants sont rois explore les dĂ©rives d’une Ă©poque oĂč l’on ne vit que pour ĂȘtre vu. Des annĂ©es Loft aux annĂ©es 2030, marquĂ©es par le sacre des rĂ©seaux sociaux, Delphine De Vigan offre une plongĂ©e glaçante dans un monde oĂč tout s’expose et se vend, jusqu’au bonheur familial.
A la fois portraits de femmes, enquĂȘte policiĂšre et surtout vive, trĂšs vive critique du phĂ©nomĂšne des enfants influenceurs, ce livre nous incite Ă nous interroger sur l’impact des rĂ©seaux sociaux sur notre comportement : narcissisme, voyeurisme, fascination, addiction …, sur nos relations avec les autres via ces mĂ©dias et sur les troubles psychologiques qui peuvent en rĂ©sulter. Il pose aussi la question du droit Ă l’image et du droit Ă l’oubli.
Le rĂ©cit parait n’ĂȘtre lĂ que pour illustrer l’importance de lĂ©gifĂ©rer et appuyer une prise de position sans nuances.
Christiane
Le soleil des Scorta
Laurent Gaudé
Lorsque commence le rĂ©cit, Luciano Mascalzone, un traĂźne-savate vivant de petites rapines, revient aprĂšs quinze annĂ©es de prison Ă Montepuccio, un village des Pouilles aux façades sales oĂč les heures passent dans une fournaise qui abolit les couleurs. Autour, ce ne sont que collines et mer enchevĂȘtrĂ©es. « Il m’a fallu du temps mais je reviens. Je suis lĂ . Vous ne le savez pas encore puisque vous dormez. Je longe la façade de vos maisons. Je passe sous vos fenĂȘtres. Vous ne vous doutez de rien. Je suis lĂ et je viens chercher mon dĂ». » Son dĂ», c’est Filomena Biscotti, une femme qu’il dĂ©sire depuis qu’il l’a rencontrĂ©e et dont le souvenir n’a cessĂ© de le hanter. Ce que Luciano ignore, c’est que celle qui lui ouvre sa porte et qui se laisse dĂ©puceler est la sĆur cadette de celle qu’il convoitait, Immacolata. Battu Ă mort par les villageois, il meurt dans le dĂ©goĂ»t du monde. Immacolata donne naissance Ă un fils. C’est ainsi que naĂźt la lignĂ©e des Mascalzone, qui portera le nom de Scorta : d’une erreur, d’un malentendu. « D’un homme qui s’Ă©tait trompĂ©. Et d’une femme qui avait consenti Ă ce mensonge parce que le dĂ©sir lui faisait claquer les genoux. »
Avec une imagination qui semble avoir atteint son apogĂ©e, inondĂ©e de fraĂźcheur et poussĂ©e par la musicalitĂ© d’un style irrĂ©prochable, Laurent GaudĂ© raconte l’existence des Scorta de 1870 Ă nos jours. Chronique d’une famille qui vivra certes pauvrement, mais dans l’Ă©ternel dĂ©sir « de manger le ciel et de boire les Ă©toiles », Le Soleil des Scorta est une fresque vivante et volcanique.
Le Soleil des Scorta de Laurent GaudĂ©, un roman vibrant qui traverse les gĂ©nĂ©rations pour raconter lâhistoire poignante dâune famille marquĂ©e par le soleil implacable des Pouilles. Entre passion, secrets et quĂȘte de rĂ©demption, laissez-vous emporter par cette fresque lumineuse et inoubliable.
Giovanni
Le prochain club aura lieu le 7 fĂ©vrier, Catherine nous a prĂ©parĂ© une sĂ©lection mĂȘlant horrifique et thriller !